ARTICLE 3 – RESPONSABILITÉ DE L’ARCHITECTE DANS LE STRICT CADRE DE LA MISSION CONFIÉE
Cour de cassation, 3ème Civ., 20 octobre 2021, n° 20-21.267 - Responsabilité de l’architecte en cas d’erreur dans la vérification des situations de travaux de l’entreprise
« Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2020), la société Commercimmo a confié à la société Jean-Pierre Bergeret (l’architecte), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d’œuvre complète d’une opération de réhabilitation de deux bâtiments existants et de construction de logements et de commerces.
2. Au cours du chantier, le maître de l’ouvrage a procédé au règlement des situations, transmises par l’architecte après vérification.
3. Se plaignant d’une carence dans la vérification des comptes et de l’absence de retenue de garantie, le maître de l’ouvrage a assigné en indemnisation l’architecte et son assureur. ».
Autrement dit, le maître d’ouvrage a soutenu que le maître d’œuvre, investi d’une mission complète de conception et d’exécution, a commis une erreur dans la vérification des situations de travaux de l’entreprise, lui faisant ainsi perdre le bénéfice d’une retenue de garantie lors du paiement de l’entreprise.
Cette retenue permet de déduire du règlement dû à l’entreprise 5% de la somme à verser par le maître d’ouvrage afin de couvrir les réserves de réception en cas de carence de l’entreprise devant les lever.
Si l’entreprise lève les réserves sans carence, la retenue de garantie lui est bien évidemment restituée à l’expiration du délai de la retenue de garantie.
En l’espèce, le maître d’œuvre avait remis différentes situations de travaux au maître d’ouvrage sans jamais déduire de sommes au titre de la retenue de garantie qui devait normalement s’appliquer.
En considérant qu’il s’agissait d’une faute commise par le maître d’œuvre, le maître d’ouvrage a assigné ce dernier en indemnisation de son préjudice.
La Cour d’appel a débouté le maître d’ouvrage de sa demande, alors même qu’il avait réglé l’intégralité des sommes sans que cette retenue de garantie ne soit comptabilisée, et par conséquent n’a pas retenue la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre.
Or, la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’appel en considérant que cette retenue de garantie trouvait à s’appliquer aux situations de travaux et factures transmises au maître d’ouvrage et que l’architecte avait commis une erreur en ne corrigeant pas les sommes. Ainsi, la responsabilité contractuelle de l’architecte a été retenue par la Cour de cassation sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
En revanche, la responsabilité contractuelle de l’architecte dépendra de l’étendue de la mission qui lui a été confiée par le maître d’ouvrage.
Pour être responsable en cas d’erreur dans la vérification des situations de travaux d’entreprises, le maitre d’œuvre doit être investie d’une mission de suivi financier du chantier. En l’espèce, l’architecte avait une mission de conception, d’exécution des travaux et de contrôle des comptes entre les parties.
De surcroît, les contrats types des architectes investis d’une mission complète stipulent généralement que l’architecte doit vérifier l’avancement des travaux, les situations de travaux de l’entrepreneur, établir des propositions de paiement et un décompte définitif à la fin des travaux.
Ainsi, la Cour de cassation en appelle à une grande vigilance des architectes dans l’accomplissement de cette mission.
Historique
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